L'Angleterre
L'Angleterre est la première puissance coloniale terrienne sur Mars. La ville principale de la colonie anglaise est Syrtis Major (où se rejoignent sept canaux). La colonie anglaise s'étend principalement vers le nord le long de l'axe nilosyrtien, et vers l'ouest. Vers l'est, les déserts inhospitaliers de Libye et d'Isidis la séparent de la colonie française, 2500 km plus loin (en 1890, un traité signé entre les deux pays fixera la limite entre leurs colonies sur le méridien 90 ° Est).
La colonie anglaise détient le photophone, seul moyen rapide de communication entre la Terre et Mars : il s'agit d'un terrain sur lequel sont installés de nombreux et puissants projecteurs électriques, braqués vers le ciel. La lumière de ces projecteurs, modulée à l'aide d'un microphone, est visible depuis la Terre à l'aide d'un télescope. Une installation similaire existe en Angleterre dans l'Essex, ce qui permet aux deux planètes d'échanger des messages en morse lorsqu'elles sont convenablement orientées. L'énergie électrique nécessaire pour faire fonctionner le photophone martien est fournie grâce à une étrange machinerie martienne que les savants anglais ont su adapter à leur invention, mais dont ils ne comprennent pas le fonctionnement.
L'Angleterre pratique une politique de domination indirecte, en établissant des protectorats sur les États conquis, où sont laissés en place les dirigeants locaux. La colonie anglaise est dirigée par un gouverneur général nommé par la reine, qui a le statut de vice-roi de Mars (cette appellation, ainsi que celle d'impératrice de Mars que s'est arrogée la reine Victoria, fait grincer des dents dans de nombreux pays européens).
Elle est divisée en plusieurs États (selon qu'il s'agit techniquement de territoires britanniques ou d'États souverains mais en pratique sous le contrôle des Anglais), qui correspondent globalement aux divisions politiques de la colonie avant l'arrivée des Terriens.
Chacun de ces États est à son tour subdivisé en districts, eux-mêmes divisés en stations. Un commissaire supervise chaque district et un commissaire en chef chaque État.
Dans chaque grande ville de la colonie anglaise, on trouve un résident, qui fait à la fois fonction de maire et de représentant de la reine auprès de ce qui reste du gouvernement indigène local. Les petites villes n'ont droit qu'à un agent politique, qui exerce souvent ses fonctions dans plusieurs villes voisines.
Toute l'administration britannique de la colonie dépend du Colonial Office. Par rapport à la superficie des territoires administrés, ou à la population indigène, elle est beaucoup plus importante que les administrations coloniales des autres pays européens sur Mars (plus de 1200 personnes).
Les agents coloniaux exerçant leurs fonctions dans des États encore théoriquement indépendants appartiennent quant à eux au Political Service. Ils sont les meilleurs artisans de la mission civilisatrice de l'Angleterre sur Mars. Par rapport à leurs homologues du Colonial Office, ils bénéficient d'une plus grande liberté d'action.
Les deux tiers des agents gouvernementaux britanniques sur Mars sont des officiers de l'armée, théoriquement sélectionnés en fonction de leur formation universitaire et de leurs connaissances linguistiques (mais en pratique, les appuis dont ils disposent au sein de l'appareil colonial comptent pour beaucoup). Les autres appartiennent au Martian Civil Service, corps des administrateurs coloniaux.
Outre le vice-roi, le gouvernement général comprend le secrétaire colonial (dont dépendent en particulier le Colonial Civil Service et la police coloniale), le trésorier colonial, les commissaires en chef, un représentant du Foreign Office, et le général commandant en chef des troupes britanniques sur Mars.
Ce dernier dirige la Martian Army, constituée d'unités venues de la métropole et d'unités indigènes (dont l'encadrement est constitué des officiers anglais du Martian Staff Corps).
On trouve sur Mars des régiments de cavalerie, des bataillons d'infanterie, et des batteries d'artillerie des quatre types (Horse Artillery, Field Artillery, Mountain Artillery et Garrison Artillery). Les unités de cavalerie utilisent principalement des chevaux, mais, devant la difficulté d'acheminement des remontes vers Mars et le fort taux de mortalité des animaux, elles commencent à envisager l'emploi de gashants, à l'image des troupes indigènes.
Les unités indigènes quant à elles se composent de régiments de cavalerie (montés à dos de gashant, sauf pour les officiers, qui restent fidèles au cheval), de bataillons d'infanterie, de batteries d'artillerie de montagne, de compagnies de sapeurs-mineurs, et d'une unique batterie d'artillerie de forteresse. Les régiments de cavalerie indigène sont constitués de huit escadrons et comportent huit officiers britanniques et 624 gashantars (cavaliers indigènes). Les bataillons d'infanterie indigène comptent huit officiers britanniques et 896 sikaners (soldats). Les batteries d'artillerie indigène comportent quatre officiers britanniques et 256 kuunaars (artilleurs) pour six pièces de 12 livres. Les militaires indigènes s'engagent pour un minimum de trois ans (et servent au maximum 21 ans). Un système de réserves actives et territoriales, sur le même principe que pour la métropole, est à l'étude.
Les ordres sont donnés en anglais, mais la langue de service est souvent le lorni.
Les Anglais sont actuellement en guerre contre un État martien qu'ils n'arrivent pas à soumettre : en vertu de la loi de lapse, qui donne à l'Angleterre des territoires dont le souverain est décédé sans héritier direct, ¼notria, un État martien, aurait prétendument dû revenir à la Couronne en 1889. Mais le roi d'Hammonis Cornu, autre État martien qui avait des visées sur ¼notria, ne l'a pas entendu de cette oreille, et d'incidents en escarmouches, le conflit politique s'est transformé en véritable guerre, dans laquelle les Anglais s'enlisent, faute de pouvoir acheminer rapidement suffisamment d'hommes et de matériel sur Mars.
La France
La France, bien que présente sur Mars avant les Anglais, n'est qu'au deuxième rang pour la superficie de ses conquêtes coloniales. Centrée sur la région de Syrtis Parva (où se trouve la capitale Syrte (à la jonction de neuf canaux)), la colonie française s'étend au sud jusqu'aux rives de la mer tyrrhénienne et vers la Lémurie, et au nord-ouest dans le désert de Libye, en direction d'Isidis, le long du canal de Triton (qui a valu à l'ancien président du Conseil Jules Ferry, ardent partisan de la colonisation de la planète rouge, son surnom de Ferry-Triton).
La conquête militaire s'est faite essentiellement grâce aux troupes d'infanterie et d'artillerie de marine, et à la Légion étrangère. Seuls quelques milliers de militaires français sont sur Mars, mais ils sont appuyés par des nuées d'alliés et d'auxiliaires (troupes indigènes).
L'installation coloniale a apporté la pax gallica, et les débuts de l'action sanitaire et éducative (au moins dans les chefs-lieux de cantons).
La colonie française est essentiellement constituée d'agriculteurs, disséminés dans des villages le long des canaux. Afin de resserrer les liens entre les colons, la construction d'un chemin de fer bordé d'un télégraphe a été décidée.
Le territoire français est divisé en deux types de zones : les colonies civiles, à peu près pacifiées et dotées d'une administration civile, et les territoires militaires, possédés sur le papier mais où c'est en pratique le régime du sabre.
Les colonies civiles françaises constituent une Fédération, dont Syrte est la capitale fédérale depuis 1889. Elle est le siège du gouvernement général et des grands services communs : affaires militaires, affaires indigènes, travaux publics, enseignement, agriculture, santé. Le gouverneur général est le dépositaire des pouvoirs de la République ; il n'a de comptes à rendre qu'au ministre de la Guerre, de la Marine et des Colonies (1) et au président de la République. Il applique les décrets, mais a le pouvoir de prendre des arrêtés locaux. Son budget est alimenté par les ressources douanières de la Fédération. Il engage les grands travaux d'équipement et nomme aux emplois fédéraux. Il est entouré d'un conseil de gouvernement, constitué par les hauts fonctionnaires de ses services et les lieutenants-gouverneurs.
Tous ces pouvoirs du gouverneur général ont été officialisés par décrets en 1889, lui accordant de plus le droit exclusif de correspondance avec Paris.
La Fédération est composée de territoires, dirigés par des lieutenants-gouverneurs nommés par le ministre.
Les frontières des territoires ne sont pas définitives, certaines seront remaniées, d'autres territoires seront divisés en plusieurs nouveaux territoires. Ces territoires sont pour une bonne partie encore en phase de "pacification", voire de conquête.
Là où l'état colonial s'est imposé, le territoire est divisé en cantons, confiés à des administrateurs civils, les commandants de canton, dépendant des lieutenants-gouverneurs.
Les charges et les missions des commandants de cantons sont nombreuses : faire respecter l'ordre public, prélever l'impôt et les taxes (par exemple, sur les marchés et le colportage), réquisitionner la main d'½uvre pour les corvées, établir le recensement, recruter des soldats, des élèves pour les écoles, juger les délits et les atteintes au code de l'indigénat, promouvoir de nouvelles cultures, etc...
Ils disposent pour cela de petits éléments de police (garde-cantons) et d'un corps d'auxiliaires administratifs, et reçoivent également le concours de chefs (souvent désignés parmi les grands lignages martiens) dans leurs rapports avec les indigènes.
Dans les villages, les Martiens pratiquent parfois une stratégie d'évitement : ils cachent le chef de sol, véritable autorité religieuse respectée par tous, et désignent aux Français un chef de paille. (2)
Le pouvoir colonial et ses représentants dépendent fortement des chefs et des interprêtes.
Les budgets des territoires sont alimentés essentiellement par l'impôt de capitation. Ils sont très inégaux, beaucoup moins importants que ceux de la Fédération, et certains doivent être complétés par des reversements du budget fédéral.
Les indigènes sont soumis à l'impôt de capitation et aux "prestations" de travail. Ils sont soumis au statut de l'indigénat (dont le code règlementaire, très discriminatoire, prévoit un grand nombre d'infractions et confère à l'administration coloniale la possibilité de confondre le judiciaire et l'exécutif).
Il existe donc sur Mars deux catégories de ressortissants français : les citoyens français et les sujets de la France (soumis au statut de l'indigénat).
Les relations entre pouvoir militaire et pouvoir civil ne sont pas toujours bonnes (surtout lorsqu'un civil succède à un militaire à un poste administratif). Les deux ont des approches différentes de la politique indigène :
Les administrateurs civils et assimilés sont peu nombreux : une quarantaine seulement pour toute la colonie française.
La Prusse
Les Prussiens se sont installés dans la cuvette de l'ancien lac de Lacus Ismenius, établissant leur capitale dans la ville homonyme (aux six canaux).
La Bavière
La colonie bavaroise est centrée sur Lucrinus Lacus (ville à neuf canaux).
L'Autriche-Hongrie
L'Autriche-Hongrie colonise la zone située entre sa capitale martienne Labeatis Lacus (six canaux) et la ville d'Acherusia Palus.
L'Italie
Les Italiens se sont établis au sud du désert de Hellas.
La Belgique
La Belgique colonise la région située dans la vallée du canal qui relie les régions de Margaritifer Sinus et d'Aurorae Sinus.
Les Pays-Bas
La colonie néerlandaise a pour capitale Tithonius Lacus (dans la cuvette de l'ancien lac éponyme) et pour villes principales Maeisia Silva et Messeis Fons.
La Russie
Les Russes contrôlent Aponi Fons (ville à cinq canaux), environ 3500 km au nord-est de Syrte.
La Suède
Les Suédois se sont installés à Cyane Fons (six canaux).
Les sociétés concessionnaires
Certaines puissances coloniales (parmi lesquelles l'Angleterre, la Belgique, la France et la Prusse) cèdent à des sociétés concessionnaires, ou compagnies à charte, des régions entières : en contrepartie de promesses de "mise en valeur" et de versements fiscaux, ces sociétés reçoivent des droits régaliens et un monopole d'exploitation économique. Elles ont le devoir d'administrer le territoire qui leur est attribué et d'y maintenir l'ordre, les gouvernements se bornant à leur assurer une protection diplomatique et militaire, et se trouvant ainsi déchargés du financement de l'administration de la colonie concernée.
En pratique, ces sociétés se livrent à une véritable économie de pillage, remplaçant l'État défaillant et astreignant les populations à diverses tâches (travail sur des plantations, etc...) par des méthodes inadmissibles (3)
Remarque
Dans certaines colonies (en particulier les territoires anglais), existent des lois interdisant les mariages mixtes entre Terriens et Martiens. Ceci n'exclut pas toutefois une tolérance fréquente vis à vis des maîtresses martiennes que prennent certains Terriens. Tout ce qui semble importer finalement, c'est que rien ne soit officialisé, et qu'aucun Martien ne pose ses pattes lubriques sur une Terrienne...
1 : à partir de 1893, au ministre des Colonies.
2 : il faudra encore quelques décennies avant que les chefs ne deviennent des autorités coutumières ou traditionnelles.
3 : telles que celles qui seront dénoncées au Congo léopoldien en 1901. D'ailleurs, le système des sociétés concessionnaires finira par échouer : les engagements pris par les sociétés ne seront pas respectés, et dès 1898 des abus flagrants et une collusion avec l'administration seront évidents, conduisant dans la colonie française à des scandales impliquant des agents de l'administration et à l'envoi de missions d'enquête.