Marais Nostrum
Ce scénario a été rédigé à l'origine pour être présenté hors compétition au quinzième concours de scénarios de la Cour d'Obéron, dont le thème était un port étrange(r), et l'élément imposé, une danse improvisée. Il est présenté ici dans une version mise à jour.
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin...
Un point sur l'évolution de la campagne
À ce stade de la campagne, les personnages tentent de retrouver les trois armes de Talor, qui seront les attributs du héros aux multiples visages. Ils ont déjà mis la main, dans l'Est lointain, sur son étrange épée, qu'ils ont ramenée dans la Passe du Dragon et mise en sécurité (ce qui signifie donc qu'ils ne se baladent pas avec elle).
Résumé de l'épisode précédent
Nous sommes en 1613 Solara Tempora, à la fin de la saison du feu et au c½ur de la Passe du Dragon. Les personnages ont pris part au soulèvement de Kallyr Sourcil d'Étoile (Kallyr Starbrow), qui vient d'être maté par l'armée provinciale lunar, commandée par son nouveau général, Fazzur l'Instruit (Fazzur Wideread), nommé suite à la mort de son prédécesseur Euglyptus le Gras (Euglyptus the Fat).
(ces évènements et leurs principaux protagonistes sont décrits entre autres dans WF pp 86 / 103, tout particulièrement les pages 92 et 94, et dans RdS pp 150 / 152)
Les derniers irréductibles parmi les rebelles se sont dispersés, quittant en catimini le plateau qu'on appelle la Table de Larnste (Larnste's Table, DP p 38) en essayant de franchir les rangs lunars sans être repérés.
Tandis que Kallyr, accompagnée par la plupart de ses proches compagnons d'armes, tentait de rejoindre le pays d'Heort, au sud, les personnages sont repartis vers l'ouest-sud-ouest, retournant à Pointe aux Canards (Duck Point, DP p 23, ToRM 19 p 35 ; les deux descriptions étant contradictoires, j'ai donné la priorité à celle de ToRM 19, plus ancienne et à laquelle j'étais déjà habitué quand DP est venu la contredire ; si vous vous référez à l'autre, il vous faudra modifier quelques détails dans les descriptions qui suivent), d'où ils étaient partis rejoindre l'armée de libération et où ils doivent maintenant retrouver comme convenu leur ami Kwanti Kanti.
Qu'est ce qu'on se marre à Pointe aux Canards !
À condition que les personnages prennent un minimum de précautions et affichent un profil suffisamment bas, le trajet vers Pointe aux Canards se déroule sans problème majeur (même si vous pouvez éventuellement leur faire rencontrer quelques patrouilles lunars soupçonneuses).
Sur les terres de la tribu des Lismelder, ils pourront, s'ils passent par certains endroits, remarquer une petite troupe de soldats lunars escortant des géomètres ; ces derniers sont à la recherche d'un emplacement adéquat pour y édifier un manoir (ce sera le manoir du Croissant (Crescent Manor ; ToRM 19 p 32, DP p 57)).
S'ils passent par les terres du clan des Poss (l'un des deux clans Lismelder, avec les Hillhaven, à s'être livré à des pogroms anti-durulz pour toucher la récompense promise par les Lunars (un an d'exemption d'impôts par bec de durulz) plus de quatre ou cinq jours après avoir quitté la Table de Larnste (donc une fois la prime au bec de canard promulguée), ils peuvent remarquer des traces de ces pogroms : des palmes de durulz clouées sur une porte ou pendues au faîte d'un bâtiment, par exemple (sur le clan des Poss, voir si besoin est ToRM 18 pp 12 / 13).
Ils pourraient même être témoins de ce genre d'exactions, car l'annonce de la prime étant extrêmement récente, tous les durulz n'ont pas encore fui ou été massacrés. Prendre le parti des victimes pourrait leur offrir des contacts précieux pour l'avenir dans le milieu clandestin durulz...
En entrant sur les terres de la "tribu" durulz (toujours en supposant que cette partie de leur voyage prend place après l'édiction de la prime au bec de canard), les personnages ne peuvent qu'être frappés par ce qui ne les avait peut-être pas choqués auparavant : aucun durulz n'est visible. La contrée semble désertée par ses habitants légitimes, et porte ça et là les traces des très récents pogroms : fermes incendiées, villages pillés, récoltes saccagées, peut-être un charnier, voire des traces d'anatanthropophagie.
Là encore, les personnages auront la possibilité d'assister à des scènes de massacre, où des patrouilles lunars, ou plus souvent hélas des groupes d'Héortlings imbibés de bière, s'acharnent sur d'innocents durulz bien incapables de se défendre, femmes enceintes (dans les manuels de RuneQuest, les durulz sont décrits comme ovovivipares ; mais en décembre 1997, Greg Stafford lui-même a déclaré que les durulz pondaient des ½ufs ; joies du gregging... Je laisse chacun libre de choisir l'interprétation qui lui convient), enfants, vieillards, estropiés, etc...
La ville de Pointe aux Canards, désormais occupée par les troupes lunars (enfin, occupée est un bien grand mot : la plupart des bâtiments étant construits pour des durulz, les humains, trop grands, ne peuvent y vivre, et le détachement lunar a donc installé un camp à l'est du bourg), est presque désertée par ses occupants légitimes, et on n'y voit plus le moindre durulz. Il y a plus de soldats lunars que d'Héortlings dans les rues !
Si les personnages ne sont pas déjà au courant, ils peuvent apprendre, grâce à des affiches placardées par les Lunars, les nouvelles conditions imposées par l'occupant suite au traité d'Oiseaurouge (WF p 94), et la "prime au bec de canard".
Quant à leur ami, il n'est bien entendu visible nulle part... Gageons que les personnages vont sérieusement s'inquiéter à son sujet, car non seulement il était déjà recherché par les Lunars, mais avec sa boîterie, il ferait une victime facile du racisme ambiant (racisme attisé par la rumeur sournoisement répandue par les Lunars, selon laquelle les canards ne seraient autres que l'une des multiples créations du génie nécromantique de Delecti) !
Les becs de durulz sont exposés par les autorités lunars, et vous pourriez jouer sur les inquiétudes de vos joueurs en leur annonçant qu'il leur semble que l'un de ces macabres trophées leur rappelle fortement Kwanti Kanti...
Et bien entendu, ils n'ont aucune idée de ce que le vieux durulz avait à leur révéler...
La chasse aux Canards
À ce stade là, les personnages n'ont qu'une chose à faire : espérer que Kwanti Kanti a réussi à s'abriter, et essayer de savoir où.
En l'absence de toute piste, ils peuvent supposer que leur ami a évacué Pointe aux Canards avec le gros de sa population, qui est parti se réfugier dans le marais des hautes terres (Upland Marsh) avant l'entrée en ville des troupes lunars.
Mais voilà : le marais des hautes terres, c'est vaste et c'est extrêmement dangereux. On ne va pas s'y promener à la recherche d'une bande de durulz en cavale sans savoir où l'on va et sans être extrêmement bien préparé, à moins d'être particulièrement puissant... ou particulièrement suicidaire (l'un n'excluant pas l'autre, d'ailleurs).
Les personnages pourraient aussi avoir l'idée d'engager un guide pour les emmener dans le marais, ou de demander à des autochtones des informations sur la topographie des lieux pour tenter de deviner le lieu où les fugitifs se sont réfugiés ; malheureusement, les meilleurs spécialistes du marais des hautes terres sont... les durulz, et aucun d'entre eux n'est disponible pour fournir la moindre information.
Pour savoir où sont partis les durulz, les personnages ne peuvent compter que sur des contacts au sein de la résistance sartarite : contacts tissés lors de leur précédent séjour à Pointe aux Canards, ou noués en intervenant pour empêcher un pogrom. Faites leur passer quelques jours (selon le nombre et la qualité de leurs contacts locaux) à essayer d'obtenir l'information ; puis un soir, dans l'arrière-salle de l'auberge "Chez Geo" (Geo's Inn ; DP p 28), qui est en train de devenir le centre local de la résistance anti-lunars, on leur fera rencontrer un durulz armé d'une épée et au visage dissimulé par la capuche de son manteau brun, qui refusera de leur indiquer où se trouvent les réfugiés de Pointe aux Canards mais sera disposé à les y conduire (si vos joueurs sont excessivement méfiants, le durulz leur prouvera sa bonne foi au moyen d'un objet ou d'un message qui lui aura été remis à leur intention par Kwanti Kanti).
Le guide des personnages, un durulz dans la force de l'âge adorateur d'Humakt, s'appelle Elquior Huppeblanche (si les personnages ont l'occasion de le voir sans sa capuche, ils constateront qu'il doit probablement son nom à la huppe de fines plumes blanches qu'il a sur l'arrière de la tête). Avare de paroles, il ne fera pas la conversation aux personnages, même s'il répond à leurs questions.
Après les avoir fait sortir discrètement de la ville, Elquior mène les personnages vers le nord, jusqu'à une barge à fond plat dissimulée dans des buissons en bordure de marais, là où le Ruisseau (The Creek) commence à devenir à nouveau perceptible avant d'aller rejoindre le Torrent (The Stream) à Pointe aux Canards. Le groupe embarque dans l'esquif (qui s'avère un peu étroit, ce qui peut laisser craindre à certains personnages une mauvaise chute dans les eaux qui deviennent de plus en plus troubles au fur et à mesure qu'Elquior propulse le bateau vers l'amont et l'intérieur du marais).
Circuler dans le marais, surtout de nuit, est une expérience d'autant plus angoissante que les personnages ont entendu de multiples histoires sur les créatures terrifiantes qui y rôdent. Jouez à fond sur leurs imaginations stressées qui galopent, faisant d'une branche morte dépassant de l'eau la main griffue d'un monstre immergé, de l'ombre d'un arbre celle d'un autre monstre, amplifiant le moindre "plouf" d'une petite grenouille, le moindre hululement d'un chat-huant, dans le silence de la nuit éclairée de façon sinistre par la lune rouge sang.
Même le mutisme d'Elquior devient inquiétant : et s'il allait faire chavirer la barge et laisser les personnages se noyer, s'enfuyant à la nage ?
Mais bien entendu, les abords de Pointe aux Canards sont relativement sûrs : les durulz ont depuis longtemps éradiqué les créatures dangereuses qui s'aventuraient à proximité de leur espace vital, et le trajet ne connaîtra pas d'incidents autres que ceux que pourraient provoquer les personnages eux-mêmes.
Ça fait longtemps que vous vivez dans le coin ?
Après une croisière nocturne interminable et éprouvante pour les nerfs, une ombre gigantesque se découpe entre les arbres et les bandes de brume, en plein sur le cap suivi par Elquior : vu de plus près, il semble qu'il s'agisse des ruines d'un fortin bâti sur une colline. Elquior navigue droit dessus, lançant au passage un appel ressemblant à s'y méprendre au hululement du hibou des marais, et la barge finit par accoster au pied de l'éminence qui porte ce qui reste de l'imposant bâtiment. Il s'agit (mais les personnages l'ignorent et n'ont aucun moyen de le savoir) de l'Île du Guet (Lookout Isle, ToRM 19 p 36, DP p 57) ; c'est là que de tous temps les habitants de Pointe aux Canards allaient se réfugier quand leur ville était menacée par un danger si grand que les remparts ne semblaient pas pouvoir le contenir, c'est donc là qu'ils sont venus une fois encore s'abriter de la folie meurtrière des Poss et d'autres abrutis d'humains, attisée par les Lunars.
Un fort avait été autrefois bâti au sommet de l'île, et il est encore en grande partie intact. Du haut de ses tours, on peut voir à plusieurs kilomètres à la ronde les rares jours où il n'y a pas de brume. Les réfugiés y ont donc installé des guetteurs (dans les semaines et les mois qui viendront, ils préviendront plus d'une fois la communauté exilée de l'arrivée de bandes d'humains animés de l'intention manifeste d'en découdre avec tous les durulz qu'ils pourraient croiser lors de leur expédition, ce qui incitera plus d'un durulz à aller s'installer plus profondément dans le marais). Le reste de la population s'est installé dans le fort ou dans des campements de fortune à son pied, et certains ont commencé à essayer de mettre en valeur le sol de l'île : il est trop tard pour espérer une récolte suffisante pour que la communauté soit à l'abri des disettes hivernales, mais il est encore possible de limiter les dégâts. La principale source de subsistance de la communauté reste la pêche, comme en témoignent les nombreuses barques que les personnages devinent dans la pénombre en débarquant sur la terre ferme... pour se retrouver brusquement entourés d'un cercle de durulz armés et qui, malgré leur petite taille, sont relativement inquiétants.
Inquiétants, certes, mais pas hostiles, et à moins que les personnages ne réagissent brutalement à la vue de ces épées, épieux et autres armes pointées sur eux, il leur suffira de quelques paroles pour apaiser la tension. Le nom de Kwanti Kanti en particulier agira presque comme un sésame : le vieux durulz a annoncé qu'il attendait un groupe d'humains dont la description correspond aux personnages.
Rodin le penseur
En pleine nuit, les personnages sont conduits auprès de leur vieil ami. Celui-ci, comme à son habitude, n'est pas encore couché malgré l'heure : assis à une table, il est en grande discussion avec un autre durulz, portant une fausse barbe grise maculée de vert et de fragments végétaux, et dont le bec chaussé de binocles est lui aussi taché de vert, comme s'il avait mâché des plantes (c'est d'ailleurs bien là l'origine de cette coloration).
Après avoir accueilli les personnages en de chaleureuses effusions, Kwanti Kanti leur présente son interlocuteur : il s'agit de Rodin Bec Vert (Rodin Greenbeak, voir en particulier ToRM 14 pp 54 / 55 et 57, ToRM 16 p 41, et ToRM 19 pp 62 / 64 (article dont la matière sera en partie fournie par la suite du présent scénario)), le célèbre Sage gris (prêtre de Lhankor Mhy) botaniste, qui venait tout juste d'arriver à marche forcée de Prax (où il a laissé son paresseux assistant, Thorgal le Grand Voyageur (Thorgal the Far Traveller)) à Pointe aux Canards où Kwanti Kanti lui avait donné rendez-vous (comptant en profiter pour aller ensuite étudier la flore du marais des hautes terres), et qui, vue la tournure des évènements, n'a eu que le temps de prendre le maquis (enfin, le marais...) avec les autochtones.
Outre son rôle direct dans la suite de ce scénario, Rodin présente pour les personnages et la campagne l'avantage d'être un sage gris qui en outre a énormément voyagé (voir les articles botaniques des ToRM 10, 12, 14, 15 et 16, et du BDR Volume Darkness), et jouit de relations relativement bonnes avec les Lunars : c'est donc une source de connaissances potentiellement très importante, bien qu'il doive sa place plus à sa chance qu'à ses capacités intellectuelles (mais il peut par contre permettre aux personnages d'accéder facilement à la bibliothèque d'un temple de Lhankor Mhy), et que ses compétences en botanique soient nettement moins bonnes qu'il ne l'imagine en préparant la rédaction de son futur grand ½uvre, la Flore gloranthienne de Rodin Bec Vert. De plus, ses nombreux voyages l'amèneront peut-être à croiser à nouveau la route des personnages, du moins avant sa disparition mystérieuse du temple de Lhankor Mhy à Nochet en 1616 (ToRM 20 p 60).
Faites en sorte que les personnages, à force de fréquenter Rodin, réalisent plus ou moins rapidement son incompétence. Et n'oubliez pas que dans le marais, il sera émerveillé par la végétation, nageant de plante en plante, prélevant des spécimens (en les arrachant sauvagement) et les goûtant quasi-systématiquement... et que ce comportement mettra parfois en péril le groupe entier !
La mare aux Canards
Pour mettre en scène les durulz et leur société, les sources les plus utiles à consulter seront : ToRM 19 pp 9 / 15 (l'article décrit en particulier le clan qui occupe la région de Pointe aux Canards (et contient plusieurs PNJ intéressants), mais... une dizaine d'années après le présent scénario !), et TT 7 pp 11 / 12.
Sur internet, on peut également se référer à l'inachevé (et non officiel) DuckPak de Sérgio Mascarenhas, disponible sur le site de Jane Williams et dont certains des détails de l'habillage de ce scénario sont tirés ou inspirés.
Parmi les durulz importants, outre ceux déjà évoqués, on peut citer Joseph Visage Vert (Joseph Greenface, WF pp 100 et 103), puissant chamane et chef de la "tribu" des Durulz, que les personnages ont déjà eu l'occasion de croiser dans le précédent scénario ; et Derek Plume Palustre (Derek Swampfeather, ToRM 19 p 58), qui à l'époque où se déroule le présent scénario se détache comme l'un des chefs naturels des réfugiés de Pointe aux Canards, à qui il enseigne à vivre avec le marais, et non contre lui.
Et une petite anecdote : si les personnages ont l'occasion de parler d'Arkat avec les durulz (ici ou plus loin dans le scénario), ils se rendront compte avec stupéfaction que leurs interlocuteurs sont convaincus qu'Arkat était lui-même... un durulz !
Une enquête de l'inspecteur Canardo
Après avoir discuté de tout et de rien avec les personnages, Kwanti Kanti prendra soudain un ton sérieux pour leur annoncer qu'il a du nouveau concernant leur quête : d'après les informations qu'il a pu obtenir par ses recherches, ils devraient trouver, dans un ancien temple de Jalmar Épée de Fer, un moyen de se mettre sur la piste de la deuxième arme de Talor.
Il y a juste un petit problème : le temple en question est situé en plein dans le marais des hautes terres... et Kwanti Kanti ne sait même pas précisément où. Il est d'ailleurs hors de question qu'il les accompagne dans leur expédition !
(alors que Rodin, par contre, fera des palmes et des mains pour en faire partie et aller étudier de près la flore du marais)
Mais les personnages ne sont pas les seuls à s'intéresser à ce temple : un groupe d'humakti (mixte humains / durulz, mais avec une forte prédominance des humains quand même) se trouve lui aussi au sein de la communauté de l'Île du Guet, et ils sont venus là dans l'intention de se lancer dans une quête héroïque à partir dudit temple (Jalmar étant un sous-culte d'Humakt). Les personnages pourront les rencontrer le lendemain. Les humakti sont peu causants, mais, à moins que l'un des PJ ne leur déplaise d'entrée, ils ne verront pas d'inconvénients à voyager avec eux. Après tout, l'union fait la force...
Ajustez la puissance et l'effectif du groupe d'humakti en fonction de ce que vous avez l'intention de faire rencontrer à votre équipe lors de leur excursion palustre. Ils sont plus puissants que les personnages, tant en force brute qu'en magie, mais ils ne sont là que pour leur permettre de s'enfoncer dans le marais avec des chances raisonnables de survie : à ce stade de la campagne, y aller seuls serait synonyme de suicide.
Ces humakti sont menés par Orzun Voltelame, Épée d'Humakt qui correspond parfaitement à l'image que l'on peut se faire d'un tel personnage : grand, sec, vêtu de noir, austère, le visage fermé, le poignet souple et la lame vive et tranchante. Parmi ses coreligionnaires, citons encore Garsen Tranchecol, dont l'épée à la lame large est dépourvue de pointe, et Mouekker le Fendeur, qui bien que durulz est un combattant tout aussi redoutable que ses deux camarades (il maîtrise en particulier à la perfection la botte du hongre, ce redoutable, douloureux et embarrassant coup remontant vers l'entrejambe que leur petite taille rend praticable aux durulz, et qui doit son nom à ses conséquences).
Le MJ développera d'autres humakti pour compléter l'expédition si besoin est.
Reste le problème de la localisation du temple : car aucun des durulz présents sur l'île ne semble savoir où il se trouve. Les réponses vont de "ce n'est qu'une légende, personne ne l'a jamais trouvé" à "j'ai rencontré une fois un durulz d'un des nids du marais qui connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui l'avait vu".
Même Aile de la Mort (Deathwing, TT 7 pp 7 / 8), Épée d'Humakt et sans doute le plus expérimenté des durulz humakti de Pointe aux Canards, ne l'a jamais découvert lors de ses nombreuses incursions dans le marais (même s'il est fort possible qu'au moment où l'article de TT 7 a été écrit, il ait fini par tomber dessus).
Toutefois, tant Kwanti Kanti que les humakti sont catégoriques pour affirmer que le temple existe forcément, et qu'il ne peut assurément pas s'agir d'une simple légende.
Bref, la seule solution semble être de s'enfoncer plus profondément dans le marais pour interroger les durulz qui s'y sont installés.
On dirait qu'ça t'gêne, de marcher dans la boue...
Voici nos personnages partis à pied dans le marais (il ne leur est pas possible de circuler en barge, comme ils l'avaient fait de Pointe aux Canards à l'Île du Guet, car ils ne sont plus dans le lit du Ruisseau), accompagnés des humakti, de Rodin (que Kwanti Kanti leur a collé plus ou moins de force dans les pattes, leur expliquant que le savoir et l'expérience du Sage gris leur seraient des plus utiles et qu'il voulait à tout prix étudier de près la flore locale) et de quelques guerriers durulz s'étant déjà aventurés dans le marais et qui ont accepté de guider tout ce monde, tant qu'on ne leur demande pas d'aller trop loin. Car les histoires qu'ils racontent, parlant de morts-vivants nageurs, de dragonewts zombifiés, et de créatures improbables assemblées par la puissante magie de Delecti le Nécromancien, le maître du marais, font froid dans le dos.
Les guides de l'expédition sont Jonas Larges Palmes (dont le nom parle de lui-même), un durulz jeune, vaillant et endurant, Artok le Harponneur, dont l'instrument de pêche favori peut devenir entre ses mains une arme de corps-à-corps redoutable (manquant malheureusement d'efficacité contre les morts-vivants), et Ubolt Palmebleue (qui, contrairement à ce que pourraient croire les personnages en entendant son nom, n'a pas les pieds bleus ; il a été ainsi baptisé suite à un voyage qu'il avait fait à pied jusqu'à Boldhome dans sa jeunesse, et qui lui avait considérablement meurtri les pattes). Si le MJ en éprouve le besoin, il peut éventuellement rajouter d'autres guides indigènes, mais ces trois là devraient en pratique s'avérer suffisants.
Tandis que le groupe progresse péniblement (voir ToRM 19 p 46 : New Skill : Clodhopping), cherchant les bancs de terre suffisamment fermes pour les porter au milieu d'étendues d'une eau trouble et sombre, parfois à peine plus que du sol détrempé, parfois profonde de plusieurs mètres, entre les arbres moussus aux formes tourmentées, les buissons, les touffes de roseaux et autres plantes aquatiques, et les tertres couverts de végétation, parmi les bancs de brouillard et l'air épais à respirer, le MJ aura la difficile tâche d'équilibrer l'ambiance, entre le côté oppressant du paysage traversé, renforcé par le quasi-mutisme des taciturnes humakti, l'occasionnelle beauté que peut recéler la nature, même dans un lieu aussi imprégné par la mort que celui-ci, et le ressort comique constitué par Rodin Bec Vert et ses multiples plongeons pour aller cueillir (arracher serait sans doute plus juste) des spécimens botaniques et les goûter.
Pour la description du marais, les sources les plus utiles (au delà de DP p 57) seront les suivantes : ToRM 19 (Upland Marsh Special), et TT 7 pp 5 / 6 (et dans une moindre mesure, pp 7 / 10).
(note : la carte des pages 34 / 35 de ToRM 19 n'a pas d'échelle ; en me basant sur l'échelle des cartes de la Passe du Dragon, je l'évalue à 1 cm pour 3 km ; les 160 km² du marais mentionnés en page 19 de cette même publication étant bien entendu une erreur, la superficie réelle étant plutôt de 1600 km²)
Les mauvaises rencontres que feront inévitablement les personnages en ces lieux sont laissées à l'appréciation du MJ, mais il est hautement improbable qu'ils ne croisent pas quelques patrouilles de zombies, que les humakti se chargeront de tailler en pièces (que les PJ participent aux combats ou non).
Il est à noter que, outre les créatures mentionnées dans ToRM 19, les personnages peuvent rencontrer dans le marais :
Et ça vous fait marais ?
Au milieu de cet environnement maléfique, des communautés durulz luttent donc tant bien que mal pour leur survie, tirant l'essentiel de leur subsistance de la pêche et de la cueillette. Ce sont les descendants de ceux qui ont abandonné tout espoir de vivre en paix au contact des Heortlings et se sont réfugiés à l'intérieur du marais des hautes terres, lassés d'être de génération en génération confrontés au racisme latent des humains, ou bien encore les individus qui, suite aux pogroms consécutifs à l'aide apportée par certains durulz aux Lunars dans l'assaut de 1602 contre le Fort de la Porte runique (Runegate Fort, DP p 46), ou parce qu'ils sont devenus des hors-la-loi pour des motifs variés (et pas toujours nobles), les ont rejoints.
Ces durulz exilés d'eux-mêmes ont conservé des relations avec leurs congénères philanthropes, et c'est donc vers eux que les guides emmènent les personnages et leurs compagnons humakti ; car personne ne connait mieux le marais des hautes terres qu'eux (du moins, personne de bien vivant... et de fréquentable).
Les durulz du marais ne cacheront pas leur déplaisir à la vue des humains, et le MJ devra faire ressentir la tension et l'hostilité (perceptible quoique non ouvertement exprimée) dans les relations que les personnages ou les humakti auront avec eux (certains iront jusqu'à abandonner leurs habitations pour aller se dissimuler le marais, laissant les personnages devant des nids déserts). Pendant les discussions, les guides durulz se tiendront prudemment en retrait.
Si les personnages parviennent à triompher des a-prioris de leurs interlocuteurs (malgré les éventuelles gaffes des humakti, au bon vouloir du MJ), ils apprendront que le marais recèle de nombreux vestiges de bâtiments antérieurs à son inondation.
Mais selon les questions posées, leurs interlocuteurs pourraient (en toute bonne foi) les orienter vers l'un ou l'autre des fortins appelés tours aux canards par les rares humains qui s'aventurent dans le marais : bien postérieurs à l'existence du marais, il s'agit d'une ligne de bâtiments généralement construits autour d'une chapelle dédiée à Humakt, et à partir desquels des durulz (souvent humakti) veillent (ou veillaient) à empêcher l'expansion des hordes mort-vivantes de Delecti en direction des zones habitées par les durulz. Lorsque ces tours ne sont plus occupées par les veilleurs durulz (ce qui est le cas de bon nombre d'entre elles, seules restant en activité celle de l'Île du Guet et quelques rares autres), ces derniers sont quasi-systématiquement remplacés par des suppôts du Nécromancien, zombies, goules ou autres, ce qui rend l'exploration de tels lieux dangereux.
La plupart des durulz rencontrés avec lesquels les personnages réussiront à établir des relations correctes avoueront cependant leur ignorance et conseilleront aux personnages de se rendre au Puisard (Sump, DP p 57, ToRM 19 p 38), la plus importante communauté durulz au sein du marais.
Évidemment, il se peut aussi qu'en suivant les indications fournies par un durulz visiblement coopératif et bien renseigné, les personnages et leur escorte tombent en fait dans une embuscade tendue par des hors-la-loi durulz...
Le Puisard
Le Puisard est ce qu'on pourrait appeler un bidonville durulz : un village bâti de bric et de broc à partir de déchets flottés et de bois plus ou moins pourri, poussés là par les mystérieux courants qui agitent les eaux du marais ; car dans cette zone, les courants meurent et ce qu'ils transportaient reste.
On y trouve donc pêle-mêle des arbres morts, des épaves de barques de pêcheurs durulz, mais aussi des cadavres (d'humains ou de durulz) tout à fait morts (ou que les habitants du Puisard se chargent parfois d'achever) ou ceux des expériences de nécroanimation ratées de Delecti : on peut donc y voir des barques amarrées aux membres énormes de quelque cadavre gigantesque non encore décomposé, ou des huttes bâties sur ce qui fut le tronc d'un gazzam (nom pélorien des dinosaures) : une vision repoussante et fascinante à la fois, qui évoquerait à des yeux de Terrien du XXIème siècle quelque chose entre le panneau droit (L'Enfer) du Jardin des délices de Jérôme Bosch, Lion, cheval, dormeuse invisible de Salvador Dalí, voire certains tableaux de Pablo Picasso... l'odeur en plus.
Et sous cet amoncellement hétéroclite d'épaves accumulé au fil des siècles, on devine encore par endroits, en regardant attentivement, les quais en pierre (et en ruines) d'Olorost, qui fut un grand port fluvial et centre de commerce de l'Empire des Amis des Wyrms (ToRM 19 p 19).
La population de ce port étrange est importante, de l'ordre de trois-cents durulz, ce qui en fait la communauté durulz la plus nombreuse de tout Sartar !
(ceci est vrai au moment du scénario ; mais le Puisard ne se relèvera jamais du coup terrible que lui assènera la rafle menée par les "cartographes" lunars (si les personnages parviennent à éviter cette rafle, la communauté se dispersera quand même), et ne sera plus à l'avenir qu'une gigantesque décharge, tel qu'il est décrit dans ToRM 19)
Organisés pour vivre en autarcie au fond de leur marais, les habitants du Puisard n'ont que très peu de contacts avec les durulz des nids alentour, et pour ainsi dire aucun avec ceux qui vivent hors du marais. Il s'agit d'une communauté qui vit hors du temps... hors de Glorantha pourrait on presque dire. Même ses traditions religieuses sont archaïques (chose que les personnages pourraient mettre à profit pour obtenir des éclairages "d'une autre époque" sur les mythes qui les intéressent tout particulièrement, ce qui tourne autour d'Arkat (que les autochtones appellent Arkouat et qu'ils décrivent eux aussi comme un durulz) et de ses compagnons ; le MJ pourrait en profiter pour leur glisser quelques indices (éventuellement subtilement déformés) qui pourraient s'avérer utile dans la suite de la campagne ; mais que nos héros n'en attendent pas des miracles, car les traditions du Puisard datent dans le meilleur des cas d'un peu plus de trois siècles seulement).
Le vilain petit Canard
En interrogeant les habitants (ce qui va probablement leur prendre plusieurs jours, durant lesquels ils seront hébergés par les durulz, sinon avec enthousiasme, du moins probablement avec une relative bonne volonté, mais pendant lesquels il vaudrait mieux qu'ils ne se posent pas trop de questions sur la nature des repas qui leur seront servis), les personnages, à condition de ne pas brusquer leurs interlocuteurs, de rester courtois et de tout faire pour minimiser la différence de taille et de carrure pouvant exister entre un aventurier humain et un durulz d'une communauté à fort taux de consanguinité, finiront par dénicher Berron Unepalme (qui se présente lui-même comme étant Berron Fléau des Zombies), un vieux durulz unijambiste parkinsonien qui, d'une voix chevrotante et difficilement audible, leur racontera son histoire... histoire dont la partie véritablement intéressante pour la quête des personnages peut se résumer ainsi : jeune humakti impétueux, il se perdit un jour dans le marais lors d'une expédition menée depuis les "tours aux canards" contre une recrudescence de morts-vivants. Tentant de retrouver son chemin, il ne réussit qu'à se perdre plus encore, mais il trouva refuge dans les ruines d'un imposant temple consacré à un sous-culte d'Humakt et qui pourrait bien être celui que cherchent nos héros et leurs compagnons, si l'on en croit la description que fait Berron de certains bas-reliefs, fortement évocatrice de ce qu'on pourrait trouver dans un temple de Jalmar. La suite de son errance à travers le marais finit par l'amener, grelottant de fièvre et bardé de plaies, au Puisard. On dut l'amputer de la jambe gauche et il ne repartit jamais d'ici.
Le Canard déchaîné
Berron ne sait bien entendu pas expliquer précisément aux personnages comment trouver le temple. Mais voyant tous ces aventuriers (parmi lesquels de nobles humakti) si désireux de s'y rendre, il prend un coup de sang. Certes, il ne saura jamais expliquer clairement où se situe l'édifice : mais il peut faire mieux : y guider le groupe (à condition qu'on le porte...). Si les personnages acceptent, Berron se retire, et revient revêtu de son harnachement complet d'aventurier, épée, bouclier, heaume, armure de cuir noir et runes de la mort ; une vision impressionnante et qui ne porterait certainement pas à rire... si le vieux durulz n'était pas unijambiste et agité d'incessants tremblements !
Libre aux héros de se moquer ou non. S'il y en a que ça ne fera pas rire, par contre, ce sont bien les humakti, et en particulier les durulz, car ils savent reconnaître et respecter la valeur d'un de leurs semblables.
(si les personnages refusent catégoriquement de s'encombrer du vieil infirme et parviennent à faire se ranger les humakti à leur avis, Berron fera de son mieux pour leur expliquer où se trouve le temple ; mais la suite du scénario passera inévitablement par une errance plus ou moins longue à travers le marais et ses périls, jusqu'à ce que ces derniers viennent à bout du groupe ou que le MJ estime qu'ils en ont assez bavé et qu'il est temps de les faire avancer un peu)
C'est la danse des Canards...
Les guides durulz ayant accompagné les personnages et les humakti de l'Ile du Guet jusqu'au Puisard (enfin, ceux qui restent...) refuseront de continuer avec le groupe, estimant avoir amplement rempli leur rôle.
Afin de souhaiter bonne chance à nos héros et à leurs compagnons, ils organiseront cependant une cérémonie d'adieu placée sous l'égide d'Humakt, au cours de laquelle ils sacrifieront au dieu deux poules d'eau noires (faute de mieux), avant de se lancer dans une danse improvisée destinée à attirer sur le groupe la bienveillance du dieu.
Rodin, quelque peu éprouvé par les péripéties vécues jusqu'à présent, préfèrera lui aussi regagner l'Île du Guet. Les personnages ne le retrouveront pas avant plusieurs scénarios...
À la recherche du temple perdu
Sans les guides durulz et leur magie anti-morts-vivants, et malgré la cérémonie organisée avant la séparation et destinée en particulier à leur conférer une partie de cette magie (et la présence de durulz parmi les humakti), les personnages et leurs compagnons seront de plus en plus fréquemment victimes d'attaques de zombies, voire de morts-vivants plus puissants (évitez quand même de les confronter à un vampire...).
Suivant les indications imprécises fournies par Berron ("Là ! Vers cet arbre mort qui ressemble à un squelette !" [...] "Ah non, ce n'était pas le bon arbre... Revenons sur nos pas !") et se frayant un chemin à travers la fange, la végétation et des créatures qui devraient normalement être mortes, le groupe va finir par atteindre l'ilôt qui porte les ruines du temple de Jalmar. L'idéal serait sans doute qu'il y parvienne au crépuscule, poursuivi par une horde menaçante de morts-vivants, qu'il se précipite à l'intérieur des ruines et qu'il s'y barricade dans l'intention de soutenir un siège plus désespéré que celui d'Alamo.
Le temple (ou plus précisément ce qu'il en reste, c'est-à-dire uniquement les parties souterraines, dont l'accès est dissimulé par la végétation : les lieux ont bien changé depuis le passage de Berron, et celui-ci aura d'ailleurs beaucoup de mal à les reconnaître !) est situé sur un banc de terre un peu au sud de l'Île crématoire (Cremation Isle, ToRM 19 p 32, DP p 57), en quelque sorte dans le prolongement de l'embouchure de la rivière sans nom qui, après avoir traversé les marais aux spinosaures (Spinosaurus Flats, ToRM 19 p 37, DP p 57), se jette dans le marais des hautes terres.
Les contes de la crypte
Quoi qu'il en soit, vous parviendrez bien à forcer les personnages à se retrancher dans les sous-sols du bâtiment, sombres, humides et partiellement inondés. De l'autre côté d'une herse opportunément située au bas de l'escalier, qu'ils auront renforcée au moyen de ce qui a pu leur tomber sous la main (poutres verdies et détrempées, blocs de pierre, etc...) et qui semble pour l'instant suffisamment solide et lourde pour résister aux assauts des morts-vivants (mais combien de temps cela durera t-il ?), ils entendent les pas de leurs nombreux poursuivants, et des coups sourds lorsque ceux-ci tentent de venir à bout de la grille.
Gageons que les personnages ne resteront pas plantés derrière la herse à attendre qu'elle cède, mais exploreront plutôt les cryptes dans lesquelles ils se sont enfermés.
N'hésitez pas à jouer sur les ombres menaçantes dans les recoins, mal dissipées par la lueur vacillante des torches, ni sur l'impression de frôlements sur les jambes de nos héros qui marchent dans vingt centimètres à un bon mètre d'eau selon les salles. Et n'oubliez pas d'évoquer de temps à autre les coups violents qui retentissent au niveau de la herse.
Si les personnages ont de sérieuses raisons de s'inquiéter quant à leur avenir, les humakti, eux, semblent nettement plus sereins : bas-reliefs, statues, objets du culte (dans un état déplorable), tout leur confirme qu'ils se trouvent bien dans l'ancien temple de Jalmar, et ils se préparent donc à commencer le rituel initiant leur quête héroïque et leur permettant de passer sur le Plan des Héros : si vous avez bien su gérer l'écoulement du temps dans le scénario, nous sommes en effet le jour des étendards (Day of Standards, ST p 92), c'est-à-dire le jour de l'argile de la semaine de la mort de la saison de la terre, jour particulièrement propice au lancement de quêtes héroïques par les humakti.
(les personnages pourraient croire que leur porte de sortie consiste en se joindre aux quêteurs ; ces derniers, qui ont pourtant accepté Berron dans leurs rangs (à moins que le vieux durulz ne soit mort dans un moment plein d'intensité dramatique, tué par les morts-vivants en vendant chèrement sa peau, l'épée à la main, adossé dans l'escalier, le temps que le groupe parvienne à abaisser la herse protectrice), ne souhaitent pourtant pas qu'ils les accompagnent dans leur quête... quête dont ils ne reviendront d'ailleurs jamais, mais ceci est une autre histoire)
En explorant les cryptes (organisées autour d'une grande salle principale qui faisait en son temps office de chapelle consacrée à Jalmar), les personnages découvriront, dans une absidiole, un curieux dispositif : il s'agit d'une table de pierre dont le plateau gravé est surmonté d'une flèche de pierre à la pointe brisée sur laquelle sont enfilées, comme sur la pique d'une brochette, plusieurs autres pierres et morceaux de métal.
Un pavé dans la mare
De bas en haut, on trouve ainsi :
- une petite pierre ronde et fine ;
- un triangle de na-métal (plomb), isocèle et pointu, enfilé dans la flèche par son centre de gravité (pour ceux qui n'auraient plus que des souvenirs très flous de leurs cours de géométrie, rappelons que le centre de gravité d'un triangle se trouve à l'intersection de ses médianes, c'est à dire des trois droites qui joignent l'un des sommets au milieu du côté opposé) et gravé d'une tête de chien devant deux lignes horizontales (les armoiries de Talor) ;
- une autre petite pierre ronde et fine ;
- un triangle d'ur-métal (fer), semblable au précédent mais orienté différemment ;
- encore une petite pierre ronde et fine, d'où affleure à peine le tronçon brisé de la flèche.
Sur la table, on trouve ce qui était sans doute la pointe de la flèche, et un troisième triangle métallique, de hu-métal (bronze) celui-là (une dernière petite pierre ronde et fine a roulé de la table est est tombée par terre ; désormais au fond de l'eau, il est peu probable que les personnages la découvrent ; mais elle me permet de justifier mon intertitre...).
La gravure sur le plateau de la table représente Glorantha telle qu'elle était au Deuxième Âge ; la pointe en émerge au niveau actuellement occupé par... le marais des hautes terres !
(nous partons du principe que les personnages sont en mesure de reconnaître une carte de Glorantha et d'y situer la Passe du Dragon ; au cours de leurs précédentes aventures, ils ont déjà eu l'occasion de voir des cartes et de se les faire commenter, et s'ils ne sont peut-être pas capables de saisir toutes les subtilités de celle-ci, ils en comprennent l'essentiel)
Cet étrange dispositif permet en fait de localiser les trois armes de Talor, qui, après sa mort, ont été confiées à trois porteurs différents ; ainsi, il était possible aux prêtres de savoir où se trouvaient les porteurs, au cas où il aurait été nécessaire de faire appel à leurs services.
Le triangle d'ur-métal pointe dans la direction de l'endroit où l'épée de Talor (en fer elle aussi) a été dissimulée après avoir été ramenée par les personnages. Celui de na-métal pointe en gros au nord-nord-ouest, en plein vers le c½ur de l'Empire lunar, et indique (comme nos héros peuvent s'en douter) la direction de la masse de Talor. Celui de hu-métal, désormais inutilisable depuis que la flèche a été cassée, donnait quant à lui la direction de sa lance (essayer d'enlever l'un des autres triangles pour le remplacer par celui-ci n'aboutira qu'à endommager encore plus le dispositif).
Une fois qu'ils auront réalisé dans quelle direction pointe l'ur-métal, les personnages devraient pouvoir deviner la majeure partie de ce qui précède. Il leur faut donc mémoriser la direction dans laquelle pointe le na-métal (et espérer que la masse ne se déplacera pas entretemps !).
Une méthode plus fiable que la simple mémoire serait de faire une copie de la carte et d'y reporter la direction indiquée... mais les personnages sont ils équipés pour ce faire, et surtout, leurs assiégeants leur en laisseront ils le temps ?
La nuit des morts-vivants
Les quêteurs héroïques viennent de disparaître, passés sur le Plan des Héros (dont ils ne reviendront hélas jamais), laissant les personnages seuls dans une crypte humide sur une île envahie de morts-vivants, dans un marais où ceux-ci pullulent tout autant. Et en plus, il fait nuit.
Bref, s'ils ont effectivement obtenu l'information qu'ils étaient venus chercher... ils ne semblent pas avoir la moindre porte de sortie.
Et cette fichue herse qui cède juste sur ces entrefaîtes, laissant un troupeau de zombies blâfards déferler (non, "pénétrer" : ils ne vont pas si vite) dans les cryptes !
Vous avez alors trois possibilités d'action pour sauver votre campagne :
L'étoffe des héros
Les personnages doivent donc se lancer dans une quête héroïque alors qu'ils n'y connaissent rien et ne se sont absolument pas préparés.
Bien sûr, du fait de leurs origines ethniques diverses, ils ont sans doute un éventail extrêmement varié de possibilités parmi lesquelles choisir ; mais tenant compte de leurs propres limitations, et jouant sur le fait qu'ils se trouvent dans un lieu consacré à Jalmar, il serait logique qu'ils jettent leur dévolu vers un épisode relativement "mineur" de la carrière de ce dernier, carrière dont leur fréquentation des jalmari depuis le début de la campagne leur a heureusement apporté une certaine connaissance : ils pourraient par exemple tenter de rejouer Jalmar et le château des ogres.
Le franchissement de la barrière ne pose effectivement aucun problème aux personnages : une prière collective à Jalmar, un pas en avant, et hop ! Les voici sur le Plan des Héros.
La différence est immédiatement perceptible : ils étaient dans un souterrain obscur et inondé, les voici dans une prairie verdoyante, vallonnée, au crépuscule. Le vent fait onduler les herbes, voler les cheveux longs, et caresse les visages. La nuit va bientôt tomber, mais un gros bâtiment est visible sur une colline à une petite heure de marche. Les personnages n'ont plus qu'à se mettre en route.
Jalmar avait cherché asile pour la nuit dans ce "château" (dont l'exacte apparence dépend des origines des personnages et de ce qu'ils ont déjà vécu dans la campagne : ce peut aussi bien être une grosse ferme sartarite qu'un massif château occidental, ou qu'un château kralorélien élaboré), dans lequel une famille d'ogres l'avait accueilli, avant de tenter de l'assassiner pendant son sommeil. Après avoir déjoué la tentative d'assassinat, il avait fui en pleine nuit, poursuivi par les ogres, et les avait éliminés de son épée l'un après l'autre, un peu à la manière du dernier Horace venant à bout des Curiace.
Le premier stade de la quête héroïque consiste donc à se rendre au château, à y demander l'hospitalité aux habitants, et à échanger avec eux le rituel d'hospitalité orlanthi (TR pp 34 / 36). Jalmar, originaire de la Passe du Dragon, était de culture orlanthi, et même si quant à eux les personnages ne le sont pas forcément tous, ils sont liés par les obligations du rituel : toute insulte ou violence envers leurs hôtes attirerait sur eux le courroux d'Orlanth.
Après s'être pliés au rituel et avoir partagé le souper de leurs hôtes (dont l'apparence est tout ce qu'il y a de plus humaine), les personnages sont conduits à leur chambre (qui prendra l'apparence d'un dortoir commun), où ils pourront se coucher pour la nuit.
Le deuxième stade avait pris Jalmar par surprise, mais les personnages quant à eux s'attendent à ce qui va arriver : alors qu'ils sont couchés et supposés profondément endormis, des ogres (un par personnage ; dans le mythe originel, il s'agissait de la fille (en âge d'être mariée) du maître de maison) pénètrent dans la chambre et se dirigent chacun vers l'un des personnages. Ils sont de sexe opposé à celui de leur victime, d'apparence fort séduisante, et si leur cible "s'éveille", ils prétexteront l'amour qu'ils ont ressenti depuis qu'ils ont vu nos héros au repas pour expliquer leur présence nocturne. Bien entendu, ce n'est qu'une ruse pour pouvoir continuer à s'approcher des personnages.
Rappelons que ces derniers ne peuvent prendre l'initiative des hostilités sans s'attirer le courroux d'Orlanth. Heureusement (!), à moins qu'il n'y ait parmi les personnages des individus particulièrement impulsifs, les ogres arrivés à côté de leurs victimes abandonneront leur attitude langoureuse pour brandir des armes (grands couteaux, fendoirs, hachoirs, ce genre d'ustensiles) et se jeter sur leurs victimes, qui pourront dès lors se défendre avec acharnement sans offenser le dieu des tempêtes.
Ces ogres sont certes puissants, mais certainement moins que les personnages à ce point de la campagne, et nos héros devraient donc pouvoir s'en débarrasser sans trop de difficultés.
Jalmar avait alors pris discrètement la fuite, et les personnages devront faire de même. Peu après, le grand frère de l'ogresse "séductrice", s'impatientant de ne pas la voir revenir avec le "repas", s'était rendu dans la chambre et avait découvert le corps sans vie de sa s½ur. Il avait aussitôt donné l'alerte avant de s'élancer à la poursuite du meurtrier.
Dans la quête des personnages, il y aura bien entendu autant de grands frères (ou de grandes s½urs) que de personnages.
Jalmar avait entendu l'alerte donnée, et s'était mis en embuscade derrière un rocher près du chemin pour attaquer son poursuivant, qu'il avait éliminé avant de reprendre sa fuite. Les personnages devront donc faire de même.
Les ogres de ce troisième stade, pourvus du même genre d'armes que ceux du deuxième, seront plus puissants que les précédents, et devraient donc donner un peu plus de fil à retordre aux personnages.
Jalmar avait ensuite été rattrapé dans la forêt par le chef de famille, un ogre puissant, en armure et armé d'une forte hache, chevauchant un gigantesque sanglier (le mythe incorpore visiblement des éléments de deux origines différentes, l'une confrontant Jalmar à des ogres, l'autre le mettant aux prises avec des monteurs de sangliers). "Cavalier" et monture (là encore, autant de chaque que de personnages) devraient causer de sérieuses difficultés aux personnages, qui devront utiliser toutes leurs ressources pour les éliminer (tendre une embuscade, exploiter au mieux l'environnement boisé dans lequel ils se retrouvent maintenant et où les "cavaliers", malgré la maniabilité de leurs montures, auront plus de mal à man½uvrer, etc...).
Après avoir triomphé difficilement de son nouvel assaillant, Jalmar s'était traîné jusqu'à un petit ruisseau pour y laver ses plaies avant de les panser. C'est là qu'il avait été rejoint par la mère ogresse, une créature formidable, moins puissante que son mari et même que son fils certes, mais qui, compte tenu des blessures reçues dans les précédents combats, avait été difficile à vaincre et l'avait laissé complètement fourbu.
En toute logique, il devrait en être de même pour les personnages, chacun affrontant "son" ogresse.
Jurassic Park
Après avoir vaincu ce dernier adversaire, les personnages (du moins ceux qui auront survécu ; les autres pourriront au fond d'une crypte fangeuse, ou viendront rejoindre les hordes zombifiées de Delecti le Nécromancien) verront l'aube poindre et, de l'autre côté du ruisseau au bord duquel ils se tiennent, une grande étendue herbeuse.
La quête héroïque est terminée : la forêt qui se trouve derrière les personnages est la lisière du marais des hautes terres, et devant eux s'étendent les marais aux spinosaures. Franchissant d'une grande enjambée le ru, les personnages s'enfoncent dans le sol spongieux où poussent les hautes herbes, partant à la recherche de la masse de Talor.
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