Nanarchie vaincra !
Ébauche de scénario pour Bloodlust, réalisée à l'origine pour le treizième concours de scénarios de la Cour d'Obéron, et présentée ici dans une version mise à jour.
Le thème du concours était ni dieu(x), ni maître(s), et l'élément imposé, une carte.
Rendons à César ce qui est à César : j'ai emprunté mon titre au bandeau de une du numéro du 28 septembre 2005 du Canard Enchaîné, saine lecture s'il en est (encore que parfois, mieux vaut ne pas être dépressif...).
Nanarchie vaincra ! est un scénario pour Bloodlust, d'un genre un peu particulier. En effet, les joueurs n'y incarnent au départ, ni des Armes-dieux, ni même des Porteurs d'Armes, mais simplement des "aventuriers ordinaires" de Tanæphis (si tant est que quelque chose comme un aventurier ordinaire existe...). Ce n'est qu'au cours du scénario que ces aventuriers deviendront (peut-être) Porteurs.
En conséquence, ce scénario est destiné à être utilisé comme le début d'une campagne, et le MJ devra y faire particulièrement attention à l'équilibre des forces opposées aux PJ.
Comme à l'issue du scénario, il est probable que les survivants soient devenus Porteurs, vous pouvez quand même faire créer les Armes à vos joueurs.
Il est recommandé au MJ de se munir du supplément Poussière d'ange.
Enfin, pour tenir autant que possible compte des limitations en nombre de signes imposées par le concours, je me suis abstenu de développer l'ensemble : plus qu'un scénario, il s'agit donc d'un synopsis, qui nécessitera un travail de préparation et de développement de la part du MJ avant d'être réellement jouable (sauf pour les spécialistes de l'improvisation, évidemment ; d'ailleurs, moi-même...).
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin...
Ni maîtres...
Toutes les femmes esclaves qui fuient le joug batranoban ne deviennent pas sekekers.
J'en veux pour preuve une petite caravane d'esclaves femmes qui, pendant une traversée du désert de Haâs, s'est révoltée, a massacré ses gardiens, et s'est enfuie (à pied avec quelques chameaux) à travers le désert. Après une terrible errance de trois jours, ces femmes sont arrivées par le plus grand des hasards à une oasis fertile située à l'écart des pistes, autour d'un marigot au pied d'une falaise ; oasis où elles ont décidé de s'installer pour refaire leur vie (d'un autre côté, c'était ça ou traverser le désert sans carte ni guide...).
Ces dames se croyaient tranquilles, vivant coupées du monde dans des grottes à flanc de falaise, en transformant peu à peu la végétation sauvage de leur oasis (courges, dattes, céréales, ...) en cultures potagères, et en agrémentant leur ordinaire avec le lait des chamelles les ayant accompagnées jusqu'ici, la viande de quelques petits animaux capturés au moyen de pièges (rongeurs, grenouilles, oiseaux) ou les poissons pris à la nasse.
La petite communauté entièrement féminine, constituée d'une quarantaine d'âmes, vivait en autarcie, sous la direction avisée de Zubeïda, une femme juste et avisée.
Euh... Finalement, si.
Mais c'était compter sans l'arrivée fort inopportune d'une petite bande de brigands, qui découvre à son tour et toujours par hasard (guidée par la fumée montant des feux de cuisine) l'oasis, et décide d'en faire sa base arrière. De ces femmes ayant conquis dans le sang leur liberté, ils font à nouveau des esclaves, par la force. Jetons un voile pudique sur les détails sordides.
La bande de brigands se compose d'une trentaine d'hommes, dirigés par Najib le Sanglant (son bras droit, Khalid le Rouge, se verrait bien cheik à la place du cheik, rivalité qui pourra peut-être le moment venu servir aux personnages).
... Ni (Armes-)dieux
Comme nous l'avons vu en préambule, point d'Arme-dieu parmi les PJ de ce scénario.
Les personnages font partie d'une petite caravane montée par une Maison mineure batranoban. L'un des membres de cette Maison, en fouillant dans des reliques ancestrales, a mis la main sur une vieille carte oubliée de tous indiquant le trajet d'une piste (secret de famille) reliant Durville à Mangas, à travers le désert de Haâs.
Désireux de redorer le blason familial qui a perdu de son éclat depuis quelques générations, il a décidé de prendre le risque d'une expédition commerciale de la première à la deuxième de ces villes. Malheureusement, la caravane a été victime d'une violente tempête de sable, et les personnages des joueurs sont les seuls survivants (le MJ estimera à quel point la tempête les a abîmés).
Les personnages peuvent appartenir à n'importe quel peuple de Tanæphis, pourvu qu'ils aient une bonne raison pour avoir fait partie de la caravane (il est probable qu'une éventuelle Sekeker ait été une esclave fermement enchaînée, mais les autres ethnies ne devraient pas poser de problèmes particuliers). Il n'est pas nécessaire qu'il y ait parmi eux des Batranobans, bien que ce soit l'origine la plus probable au sein d'une telle caravane.
La dernière carte
En fouillant dans les sacoches portées par ceux des chameaux qui ne se sont pas enfuis (qu'ils soient encore vivants ou non), les personnages peuvent trouver la carte qu'utilisait le chef de la caravane. Ce dernier étant mort, nos PJ ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes pour sortir du désert.
Suivant les indications portées sur le document, et après un éprouvant trajet parmi le désert avec des réserves d'eau ridiculement réduites, ils parviennent à l'oasis où Zubeïda et ses ouailles ont trouvé refuge.
Oasis, oasis...
Au moment où nos héros, assoiffés, couverts de sable et épuisés, arrivent à l'oasis, les brigands sont partis à la recherche d'une caravane à piller, ne laissant derrière eux pour "tenir" les femmes qu'une poignée d'hommes blessés ou malades, sous la direction d'Hamîd, seul gaillard valide du lot.
Malheureusement pour les bandits, Hamîd est actuellement hors d'état de faire quoi que ce soit, perdu dans des hallucinations érotiques, complètement shooté qu'il est par l'absorption d'un mélange de fragment de Muffin, de cendre d'½phis et de brisure de lune.
Lorsque les personnages déboulent, les femmes de Zubeïda croient tout d'abord qu'il s'agit du retour de leurs tortionnaires. Elles sont vite détrompées lorsque les hommes restés pour les surveiller lancent un cri d'alarme et se jettent sur les PJ.
Dosez les forces en présence pour que ces derniers sortent vainqueur du combat. Au besoin, les femmes peuvent leur prêter main forte, par exemple en lançant des projectiles variés sur leurs adversaires. À la fin du combat, faites intervenir Hamîd, de telle sorte que les personnages croient avoir affaire à un redoutable adversaire avant de massacrer le junkie toujours shooté.
Les sept mercenaires
Une fois le combat fini, les occupantes des lieux et les personnages haletants, peut-être blessés, et assurément toujours assoiffés, se regardent un moment en chiens de faïence. Faites bien ressentir à vos joueurs la tension presque palpable dans l'air épais du soir.
S'ils ne sont pas trop bourrins, ils parviendront, par leurs paroles et par leur comportement, à faire baisser la tension. Une fois que Zubeïda et les siennes auront compris qu'ils sont d'un autre genre que leurs geôliers, un dialogue pourra s'instaurer.
Les femmes de Zubeïda seront disposées à nourrir et abriter les PJ, si ceux-ci les aident à se débarrasser du reste des brigands. En outre, une fois qu'elles auront appris que nos héros sont arrivés ici en suivant une carte, elles demanderont aux personnages qu'ils les amènent jusqu'à Mangas, afin qu'elles puissent sortir de leur prison désertique et commencer une nouvelle vie.
Selon toute probabilité, les personnages "feront affaire" avec Zubeïda. Une fois pansés, désaltérés et restaurés, ils pourront commencer à se préparer à l'affrontement à venir. Les habitantes de l'oasis les aideront dans la mesure du possible, mais ce ne sont pas des combattantes.
Fournissez aux joueurs un plan de l'oasis, et laissez aux persos près d'une journée entière pour se préparer ; les bandits ne reviendront à l'oasis que le lendemain dans l'après-midi. Par ailleurs, ils ne s'attendent assurément pas à trouver leurs camarades morts et une poignée d'aventuriers prêts à en découdre avec eux ; les personnages bénéficieront donc de l'effet de surprise, et pourront s'ils se débrouillent bien éliminer une partie des brigands. Bien sûr, une fois la surprise passée, leurs adversaires se replieront pour évaluer la situation.
Situation qui d'ailleurs est fort simple : en bas dans l'oasis, les personnages et leurs alliées ont l'eau et la nourriture, mais sont coincés ; en haut sur les falaises, les bandits les empêchent de fuir, mais n'ont presque plus de ravitaillement.
Il est important de faire en sorte que la quantité de bandits restant après cette première confrontation soit suffisante pour qu'un assaut frontal de la part des personnages relève du suicide en masse. Éventuellement, vous pouvez placer parmi les bandits un Porteur d'Arme mineure, tout en veillant à ce qu'il n'abîme pas trop les PJ.
Alamo
Bref, il s'agit d'un siège en bonne et due forme.
Dans un premier temps, les bandits, regroupés en haut des falaises, vont tenter d'éliminer les personnages au moyen de leurs arcs. Ensuite, à la nuit tombée, ils tenteront une descente en force.
Toute personne se risquant à découvert dans l'oasis, PJ ou PNJ, sera prise pour cible par les archers. Au besoin, faites tomber une ou deux habitantes de l'oasis sous les flèches des brigands, histoire de bien montrer à des personnages qui se terreraient prudemment au fond des grottes en attendant la suite des évènements que s'aventurer au dehors est extrêmement risqué (doux euphémisme...).
Pour taper sur les nerfs des personnages (et des joueurs, si vous jouez en musique ; ce qui n'est pas mon cas), les bandits peuvent aussi jouer une mélopée lancinante, telle que le degüello qui berça les défenseurs d'Alamo.
Bref, la situation de nos héros n'est guère enviable : ils sont pris au piège dans une nasse naturelle, attendant l'assaut inéluctable d'une troupe nettement supérieure en nombre.
Un coup d'épée dans l'eau
Selon la façon dont les personnages ont organisé leurs défenses, il est possible qu'ils puissent repousser le premier assaut des bandits, voire leur tenir tête toute la nuit (auquel cas, ils se replieront pour rattaquer la nuit suivante ; les personnages pourront éventuellement tenter une sortie discrète, se faufiler dans le campement ennemi pour y semer la pagaille, etc...). C'est au MJ d'évaluer la qualité des dispositions défensives prises par les PJ. Lorsqu'il pense que le prochain assaut des brigands sera le bon, il est temps de faire évoluer la situation.
La matriarche Zubeïda révèle alors aux personnages qu'un jour où elle tendait une nasse, elle a vu briller au fond du marigot ce qui lui a paru être une épée. Elle est persuadée qu'entre les mains d'un des persos, l'arme permettra à la petite communauté de se débarrasser des bandits.
Un personnage au moins va donc devoir se risquer à découvert pour aller plonger au fond de l'eau (trois mètres, au bord d'une roselière), sans attirer l'attention des brigands, et rechercher ce que Zubeïda a cru voir. Bien entendu, les indications sur l'endroit où se trouverait l'arme sont approximatives.
Si aucun de vos joueurs n'a créé d'épée, remplacez la par une hache ou toute autre arme métallique.
Deus ex marigot
il y a bien une épée au fond de l'eau, et comme vous vous en doutiez, il s'agit bien d'une Arme-dieu ; et qui plus est, elle sait où d'autres Armes-dieux ont été jetées dans le marigot (autant d'Armes que de PJ, l'épée comprise... il s'agit bien entendu des Armes de vos joueurs).
Une fois ces Armes repêchées (et les PJ devenus de facto Porteurs d'Armes), l'épée s'imposera aisément comme le "chef naturel" du groupe d'Armes-dieux.
Mais que faisaient donc ces Armes sous l'eau, vous demandez vous ?
C'est simple : l'oasis a été il y a longtemps le théâtre d'une bataille rangée entre deux groupes d'Armes-dieux animés d'une haine farouche l'un envers l'autre. À l'issue du combat, les Porteurs du groupe victorieux, sous l'influence de leurs Armes, ont jeté les Armes vaincues à l'eau, sort terrible presque équivalent à la mort pour une Arme-dieu.
Dernière à avoir été ainsi immergée, l'épée a assisté à toute la scène et sait donc où se trouvent ses amies.
Malgré leur nombre, les brigands ne peuvent faire le poids face à un petit groupe de Porteurs, aussi inexpérimentés soient-ils avec leurs nouvelles Armes. Les tailler en pièces ne devrait être pour les persos qu'une formalité.
Ni dieux, ni maîtres
Une fois les bandits massacrés et après une courte période d'euphorie liée à leur libération, les habitantes de l'oasis commenceront à regarder les personnages avec méfiance. Ces étrangers, désormais puissamment armés, ne vont ils pas devenir leurs nouveaux maîtres ?
Il ne reste donc plus aux Porteurs qu'à se mettre en route vers Mangas, accompagnés de leurs protégées, enfin libérées de tout maître et de toute Arme-dieu, avant de partir vers de nouvelles aventures.
Notes
Dans les discussions qui ont suivi la première parution de cette ébauche de scénario, les points suivants ont été soulevés :
Pourquoi des femmes qui n'ont pas hésité à massacrer leurs gardes se sont elles laissées asservir de nouveau ?
Entre venir à bout d'une poignée de gardes mal payés et mal entraînés, et venir à bout d'une bande de combattants rompus au maniement des armes, il y a une différence de taille.
Pourquoi Zubeïda n'a t-elle pas eu la curiosité de plonger pour aller ramasser les Armes ?
Peut-être qu'elle ne sait pas nager ? ;-)
Plus probablement, elle répugne sans doute au maniement des armes, et à plus forte raison, d'armes qui viennent tripatouiller dans l'esprit de ceux qui les utilisent...
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